Karine Tuil aime décidément s’attaquer aux maux de notre monde contemporain. Après L’insouciance paru en 2016 qui évoquait le racisme, et L’invention de nos vies dans lequel elle s’intéressait à l’identité et à la judéité – comme ici – c’est cette fois au tour du viol de passer entre les mains de l’auteure. À nouveau, il est question des puissants, des riches, de ceux qui ont du pouvoir et en jouissent, sans limite – ou presque.
Jean Farel est journaliste émérite, respecté et même craint, sa femme, Claire, est une essayiste reconnue, ancienne stagiaire à la Maison Blanche – ayant côtoyé Monica Levinski. Le ton est donc donné, le récit se centrera sur les relations hommes-femmes, sur la domination, sur les rapports de force, souvent en faveur des individus masculins. Tout réussit à cette famille, ou presque, leur couple n’est fait que d’apparences mais qui s’en soucie quand le pouvoir rend presque plus attirant que le physique et l’intellect ? Cette apparente tranquillité, cette sérénité et perfection de façade vont se fissurer quand une accusation de viol tombe sur la famille. Cet imprévu va tout bouleverser, les certitudes, le fragile équilibre qui régissait encore leurs liens familiaux et médiatiques. Tous se déchaînent, les réseaux sociaux sont propices aux déclarations de haine et aux réactions à chaud, radicales, tout comme le climat du monde actuel, peu amène envers les hommes au narcissisme dangereux.
Encore une fois, Karine Tuil joue sur les mots, sur les situations et les perceptions : « Il n’y a pas de vérité. Il n’y a que des perspectives sur la vérité. » disait Nietzsche, cité par l’avocat de la défense. La justice et ses rouages sont décortiqués, les personnages y perdent leur énergie, leur prestige, leur superbe, leur vie sont passées au crible, détruites pour « vingt minutes d’action », citons Jean Farel, inspiré du père d’un étudiant-violeur ayant sévi en Californie. En effet, l’histoire de ce dernier trouve un certain écho ici, dans ce roman. Ici comme dans la réalité, personne n’est épargné, chaque protagoniste se voit heurté de plein fouet par les retentissements de l’accusation d’abord, puis du procès ensuite. Si la victime et ses témoignages sont entendus, le lecteur se place naturellement du point de vue de l’accusé, du moins au début, et l’on suppose que c’est ce que veut l’auteure. Elle nous pousse en effet à considérer les choses de son point de vue, à percevoir les événements comme normaux – et non pas comme niés, comme ils le sont pourtant. Cette oscillation permanente entre culpabilité, consentement et innocence rend le roman addictif et le lecteur tourne les pages, de plus en plus vite, happé lui aussi par cette mécanique infernale. En plein cœur du mouvement #MeToo, Les choses humaines évoque cette « zone grise », où une parole s’oppose à une autre, où rien n’est sûr et tout est certain.
L’auteure a un véritable don pour raconter la société, ses travers, ses déviances, pour écrire de longues phrases jalonnées de dash et de points virgules, qui ne nous perdent à aucun moment, avant d’asséner une locution d’à peine quelques mots, d’autant plus percutante. Son roman hésite entre le livre intello et le livre accessible, ne franchissant jamais la frontière entre l’un et l’autre, toujours sur le fil. Elle parvient donc encore une fois à faire le récit des choses humaines, mieux que personne – et c’est bien sûr pour cela qu’elle a été, une nouvelle fois, sélectionnée pour le prix Goncourt. Si elle ne l’a pas remporté, son roman est malgré tout primé par le Goncourt des Lycéens 2019.
Ce qu’en dit Gallimard ici 🙂 et je vous conseille La Grande Librairie où Karine Tuil était invitée le 11 septembre dernier !
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Bonjour à propos des « choses humaines »
Je viens de recevoir un clin d’oeil visite sur la chronique du blog « lechodeslivres » et j’en suis heureuse. Votre chronique est plus complète que la mienne et j’y retrouve les clefs d’accès essentielles à l’univers de Karine Tuil Cad le nôtre, j’ai aimé l’analyse sémantique qui accompagne le Verbe . Durant ce confinement, nous avons beaucoup écrit en chassé-croisé avec notre atelier d’écriture ( Biblio Marc Bernard de Nîmes) et nous allons avoir le plaisir de découvrir nos textes samedi en 6.06.20 .Si cela vous intéresse, je peux demander à Sandrine , l’organisatrice au sein de la Bibliothèque de vous les communiquer.AmiralDenise
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C’est gentil, j’avais apprécié la vôtre également.
Eh bien pourquoi pas, merci, c’est vraiment gentil !
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il m’a vraiment plu, j’aime beaucoup le style de Karine Tuil qui m’a déjà épatée avec « L’insouciance » elle fonce, avec courage, et dans celui-ci exposer le point de vue de l’agresseur et de son entourage, imbuvable, il faut bien le reconnaître c’était gonflé et elle a réussi 🙂
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Entièrement d’accord ! C’est avec L’insouciance que je l’ai découverte et ce fut un coup de cœur… 😉
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C’est un roman riche, dense et vraiment très captivant.
Les personnages que fait vivre Karine Tuil sont face à la violence du monde.
Son roman est une photo du monde actuel et de tous ces problèmes : les guerres au Moyen Orient, le terrorisme, les prises d’otage, l’importance des réseaux sociaux et des médias, la vie politique, les questionnements sur l’identité, la judaïté, le racisme, l’intégration…
On retrouvait déjà plusieurs de ces thèmes dans « L’invention de nos vies », son roman précédent.
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L’auteure a un vrai don pour dépeindre notre société, en effet.
Oui, c’est vrai, je crois que je le mentionne d’ailleurs.
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Ping : Karine Tuil – Les choses humaines | Sin City
Je l’a découvre en cette rentrée littéraire, son roman me fait très envie !
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Ouiii, elle a un style bien à elle et une manière originale et toujours intéressante d’envisagee les problèmes de la société contemporaine 😉
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une auteure à suivre!
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Oui, c’est sûr ! L’invention de nos vies et L’insouciance m’avaient beaucoup plu aussi… 😉
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Très belle chronique d’un livre dont on parle beaucoup. Je n’ai encore jamais lu Karine Tuil. Passe une excellente soirée 🙂 ps: décidément c’est une rentrée littéraire très riche.
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Merci !! Ah, il faut s’y mettre alors 😉 j’aime beaucoup cette auteure, elle a toujours une manière intéressante de traiter les problèmes de la société contemporaine…
Oui, une très riche rentrée littéraire, tu as raison 😁 excellente soirée à toi !
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eh ben, je ne suis pas si enthousiaste quant à ce roman….. Ma compagne a adoré, moi je me suis maintes fois énervé à cause de son style parfois clichéesque (notamment quand il y a des descriptions de personnages – pour moi un peu à la hache)…. Toutefois on ne peut nier qu’elle est (de nouveau) au plus près du pouls de notre quotidien….
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J’aime beaucoup cette auteure même si c’est vrai que parfois elle ne fait pas dans la nuance concernant les personnages (et les thèmes abordés sont souvent récurents). Son style et sa manière d’aborder le sujet m’ont malgré tout convaincue ! Et comme tu le dis, elle excelle dans l’art de dire les choses humaines et les travers de notre époque.
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Chouette chronique pour un roman incontournable de cette rentrée littéraire ! Bonne journée
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Merci ! Et oui incontournable, je vois que nous sommes d’accord 😉 bon après-midi !
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