Un brouhaha mélodieux (Tango, Elsa Osorio)

Ana vit en France, à Paris, et elle est la fille de parents ayant fui la dictature militaire argentine. Un soir, elle rencontre Luis, Portègne en visite dans la capitale. Une passion les réunit, le tango, comme cette danse avait réuni leurs ancêtres avant eux. Les chapitres se suivent et s’alternent, nous emportant tantôt dans les secrets familiaux qu’Ana tente de démêler et tantôt au cœur même de ces secrets, dans l’Argentine des années 1930.

L’histoire qu’Elsa Osorio raconte est belle, prenante, et elle nous fait voyager dans l’Argentine du début du XXème siècle, esquissant une fresque sociale de ce pays, scindé et si foisonnant culturellement parlant. Les Lasalle forment une grande famille, presque une dynastie, à l’influence et à l’opulence notable. Leur vie croise celle des domestiques, et celle des amantes et des amoureux, et celle des personnalités du monde du tango. Ainsi, malgré cette richesse que nous apporte cette multitude de protagonistes, leur nombre ne rend pas service à Tango. Certes cela nous permet d’avoir une vision très globale de la société de ce début du siècle, et du melting-pot qu’elle était alors, mais les noms et les histoires se mêlent et finissent par se confondre. En outre, cette volonté de croiser passé et présent est perturbante : les prénoms des ancêtres et des descendants se ressemblent (deux Hernan, deux Luis…) et cela rend la lecture ardue.

Autre élément gênant, les points de vue que l’auteure semble adopter de manière presque aléatoire. Elle passe donc de la troisième personne du singulier pour raconter la vie de certains héros au « je » pour évoquer les aventures d’un autre. Peu après, ce dernier sera ensuite interpelé par un nouveau narrateur à la première personne du singulier réapparaissant régulièrement dans ces pages, le tango. La danse s’adresse donc parfois aux personnages, ce qui donne lieu à des passages bizarres et peu intelligibles. Elle apparaissait déjà comme le point commun entre tous les protagonistes, le centre gravitationnel du livre (qui porte même son nom), et glisser ce narrateur inanimé entre ces lignes n’était ainsi pas indispensable. Pour compliquer les choses, les ancêtres interviennent parfois pour commenter la vie de leurs descendants, ou même le destin de leurs contemporains : le tango les a rendus immortels.

Ce roman est donc purement hispanophone, empruntant au réalisme magique : touffu, complexe, parfois compliqué à suivre, mais souvent passionnant. Il s’apparente à une sorte de brouhaha tantôt cacophonique, tantôt mélodieux, ode à l’amour et à la danse.

En tout cas, la plume d’Elsa Osorio est devenue plus fine et bien moins brouillonne avec le temps : Double fond, publié récemment, est bien plus abouti.

Ils en parlent aussi : Livres passion, America nostra

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