Bouillon de culture (Conte de cinéma, jean Lods)

Une perle rare que ce roman, tellement étrange, tellement lunaireJean Lods est un habitué de ce sujet : il a écrit une thèse sur le cinéma en 2010, il sait donc de quoi il parle. Son écriture va avec le reste, elle est à la fois belle et biscornue, peu commune. Ses héros semblent tous faire écho au récit, parler en même temps que le narrateur – qui s’adresse au lecteur. Le discours direct libre est largement utilisé, ce qui donne cette impression de chorale, de voix discordantes qui arrivent toutes en même temps, qui émergent en plein milieu d’une analyse du narrateur, caustique tant vis à vis de ses personnages que de leur histoire.

Colin travaille à l’Institut du Cinéma où il restaure des films réalisé avant 1960 sous les ordres de David Bradley. Il aime contourner les directives pour passer plus de temps sur ce qu’il considère comme les merveilles des archives. Le long-métrage qui a sa préférence, qu’il vénère par-dessus tout, c’est Partie de campagne, de Jean Renoir. Il est amoureux d’Henriette, de sa nostalgie, de sa fameuse larme. Tant est si bien qu’il va finir par pénétrer dans le film, par suivre celle qu’il adore sans qu’elle ne puisse le voir… et puis les choses vont aller plus loin, le système va devenir fou, des héros du cinéma français vont se retrouver confrontés les uns aux autres dans des scènes d’anthologie – drôles, décalées. Bien évidemment, pour une lectrice née à la fin du siècle, ce n’est pas toujours facile de suivre, même en ayant quelques références. On en manque forcément au passage, et c’est dommage parce qu’elles sont savoureuses à souhait.

C’est un livre exigent, mais enrichissant et détonnant, rare aujourd’hui. Les phrases sont longues, enlevées, le rythme est soutenu mais jamais monotone. Quelques passages sont un peu longs, sans doute. Se sent également comme une envie de recréer en filigrane une sorte de scénario manichéen à l’américaine, où les gentils et les méchants s’affrontent, où une once de SF pointe le bout de son nez – quand Jean Lods va jusqu’à nommer certains de ses personnages Sponsor 1 et 2, les réduisant ainsi à leur fonction mais aussi à leurs pulsions sexuelles, ou encore quand l’Institut mute de manière inquiétante…

Un étrange mélange entre passé et futur, entre cinéma et littérature, entre héros d’aujourd’hui et d’hier et une plume inimitable, voilà ce qui vous attend si vous ouvrez Conte de Cinéma. Étonnant.

Les Éditions Phébus, qui font là encore de la couverture une œuvre d’art, en parlent ici.

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