Un rejet, un héritage (Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu)

Ce roman est tout juste couronné par le Goncourt, et il le mérite.

Les personnages sont aboutis, ont une personnalité complexe et semblent presque tangibles. Les décors, ou plutôt le décor puisque c’est une sorte de huis-clos se déroulant à Heillange, rassemble tous ces personnages et paraît même en être un à part entière. En effet, c’est le fait de vivre aux alentours de cette ville industrielle, coincés là, qui donne aux héros leur rage de vaincre (qui virera pour certains à la lassitude), qui leur permet de prendre forme sous nos yeux et de devenir eux-mêmes. Steph fera tout pour s’échapper, Anthony aussi, Hacine veut rester puis il changera d’avis, et leurs parents n’ont pas bougé. Cette structure circulaire impressionne, pose question : chacun est-il condamné à suivre le parcours emprunté par ses géniteurs ? Non, sans doute pas puisque certains parviendront à s’envoler, loin, loin des usines, loin de la vallée de la Henne, loin des petits tracas des ouvriers.

Chacun des personnages est fouillé, Nicolas Mathieu a pris soin de donner du caractère aux parents, à l’entourage, à la famille, aux collègues et aux amis. C’est grâce à eux que la fiction fonctionne, que l’on s’y croirait. La structure est plutôt originale : une partie s’ouvre tous les deux ans, se concentrant sur un été, un seul, avant de laisser place à la suivante. Toujours à Heillange. Toujours les mêmes personnages qui évoluent, qui grandissent, vieillissent même dans leurs attitudes. Toujours le même moment, l’été où tout est possible, où les désirs se muent en langueurs, ou la chaleur affole les corps et les esprits.

Le style est accessible tout en étant recherché. Le passage témoignant le plus de l’aisance littéraire de Nicolas Mathieu reste sans doute celui où la mère d’Anthony est à la piscine, les descriptions de ses pensées, de l’eau qui lui sert de miroir, de ses mouvements douloureux mais qui deviennent peu à peu une échappatoire.

Nous sommes donc en présence d’un roman social, choral, complexe et simple à la fois, construit intelligemment et qui conquiert le lecteur.

Plus d’infos, ici 🙂

13 réflexions sur “Un rejet, un héritage (Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu)

  1. Ping : Des kilomètres à la ronde, Vinca Van Eecke – Pamolico, critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Des églises, des dadas et des Harley (Jean-Paul Dubois, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon) – Pamolico

  3. Ping : Des églises, des dadas et des Harley (Jean-Paul Dubois, Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon) – Pamolico : critiques, cinéma et littérature

  4. Je ne me prononcerai pas sur le fait que ce roman ait mérité ou non de remporter le prix Goncourt (j’ai notamment entendu des critiques regretter que « Le lambeau », le récit de Philippe Lançon n’ait même pas été sélectionné), mais je te rejoins sur les qualités de ce livre : c’est un très beau roman, avec des personnages admirablement construits et vivants, dans un cadre géographique et social finement décrit. Comme on le dit parfois trop facilement, « on s’y croirait ! »

    Aimé par 1 personne

    1. C’est vrai qu’on s’y croirait ! Je n’ai pas lu Le lambeau donc je ne peux statuer sur cette possible injustice mais je trouve que ce roman est fort, et il porte un message important dans le monde actuel. En effet, peut être que d’autres auraient été plus légitimes…

      Aimé par 1 personne

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