On retrouve la plume légère et profonde à la fois, dure dans ce qu’elle dit de nous, crue, et poétique dans sa manière de le dire. Il s’agit sans doute du roman le plus doux de Delacourt. L’histoire d’une femme qui ne vieillit pas de l’extérieur, qui voit son monde se faner mais qui, elle, reste intacte, inaltérée par le temps telle la rose de la Belle et la Bête, sous sa cloche de verre. Beaucoup de discours indirect dans cette œuvre, beaucoup de phrases longues et douces-amères, tristes et belles à la fois, pour dire le destin de cette pauvre Betty que tous envient mais qui ne veut pas de cette malédiction. Les photographies se succèdent, un an après l’autre, et pas une ride ne vient orner sa peau, décorer son visage, conter ce qu’elle a vécu.
Même si l’idée de départ peut laisser perplexe – et si certaines précisions sont répétitives, l’auteur s’attaque, sous couvert de poésie, au culte de la jeunesse que voue la société actuelle, et il réussit assez bien sa critique. En refermant ce roman, le lecteur est invité à se dire que la vieillesse fait partie de la vie, que c’est une fatalité incontournable. Vouloir changer le cours des choses ne peut pas apporter le bonheur – ou plutôt si, le bonheur et son côté si éphémère, mais pas la joie. Certes, la normalité n’existe pas, mais être « normal » physiologiquement parlant, être semblable à la majorité, c’est peut-être bien l’un des éléments indispensables à l’atteinte de la joie.
Ping : Un jour viendra couleur d’orange, Grégoire Delacourt – Pamolico